À
J.G.F.
Je te frapperai sans
colère
Et sans haine, comme
un boucher,
Comme Moïse le rocher!
Et je ferai de ta
paupière,
Pour abreuver mon
Saharah,
Jaillir les eaux de
la souffrance.
Mon désir gonflé
d'espérance
Sur tes pleurs salés
nagera
Comme un vaisseau
qui prend le large,
Et dans mon cœur
qu'ils soûleront
Tes chers sanglots
retentiront
Comme un tambour qui
bat la charge!
Ne suis-je pas un
faux accord
Dans la divine
symphonie,
Grâce à la vorace
Ironie
Qui me secoue et qui
me mord?
Elle est dans ma
voix, la criarde!
C'est tout mon sang,
ce poison noir!
Je suis le sinistre
miroir
Où la mégère se
regarde!
Je suis la plaie et
le couteau!
Je suis le soufflet
et la joue!
Je suis les membres
et la roue,
Et la victime et le
bourreau!
Je suis de mon cœur
le vampire,
– Un de ces
grands abandonnés
Au rire éternel
condamnés,
Et qui ne peuvent plus
sourire!
русский
LXXXIV
L'IRRÉMÉDIABLE
I
Une Idée, une Forme, un Être
Parti de l'azur et tombé
Dans un Styx bourbeux et plombé
Où nul œil du Ciel ne pénètre;
Un Ange, imprudent voyageur
Qu'a tenté l'amour du difforme,
Au fond d'un cauchemar énorme
Se débattant comme un nageur,
Et luttant, angoisses funèbres!
Contre un gigantesque remous
Qui va chantant comme les fous
Et pirouettant dans les ténèbres;
Un malheureux ensorcelé
Dans ses tâtonnements futiles,
Pour fuir d'un lieu plein de reptiles,
Cherchant la lumière et la clé;
Un damné descendant sans lampe,
Au bord d'un gouffre dont l'odeur
Trahit l'humide profondeur,
D'éternels escaliers sans rampe,
Où veillent des monstres visqueux
Dont les larges yeux de phosphore
Font une nuit plus noire encore
Et ne rendent visibles qu'eux;
Un navire pris dans le pôle,
Comme en un piège de cristal,
Cherchant par quel détroit fatal
Il est tombé dans cette geôle;
– Emblèmes nets, tableau parfait
D'une fortune irrémédiable,
Qui donne à penser que le Diable
Fait toujours bien tout ce qu'il fait!
II
Tête-à-tête sombre et limpide
Qu'un cœur devenu son miroir!
Puits de Vérité, clair et noir,
Où tremble une étoile livide,
Un phare ironique, infernal,
Flambeau des grâces sataniques,
Soulagement et gloire uniques,
– La conscience dans le Mal!
русский
LXXXV
L'HORLOGE
Horloge! Dieu
sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous
menace et nous dit:"Souviens-toi!
Les vibrantes
douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront
bientôt comme dans une cible;
Le Plaisir vaporeux
fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une
sylphide au fond de la coulisse;
Chaque instant te
dévore un morceau du délice
À chaque homme
accordé pour toute sa saison.
Trois mille six
cents fois par heure, la Seconde
Chuchote: Souviens-toi!
– Rapide, avec sa voix
D'insecte,
maintenant dit: je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie
avec ma trompe immonde!
Remember!
Souviens-toi! Prodigue! Esto memor!
(Mon gosier de métal
parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel
folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas
lâcher sans en extraire l'or!
Souviens-toi que le
Temps est un joueur avide
Qui gagne sans
tricher, à tout coup! C'est la loi.
Le jour décroît; la
nuit augmente; souviens-toi!
Le gouffre a
toujours soif; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l'heure
où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu,
ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même
(oh! La dernière auberge!),
Où tout te dira:
Meurs, vieux lâche! Il est trop tard!"
русский
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